ÂCHOURA : UNE GRÂCE POUR L’HUMANITE

ÂCHOURA : UNE GRÂCE POUR L’HUMANITE

(Questionnement sur Âchoura : jour de joie ou jour de deuil ?)

PRÉFACE

Par Kolado Sidibé

 Ingénieur électro-mécanicien, Expert agréé auprès des Tribunaux ado Sidibé

Âchoura, le vrai sens expliqué aux croyants !

Nous sommes en Afrique, précisément en Afrique de l'ouest. Le Mali est un vieux pays où l'islam a pénétré dès le premier siècle de l'Hégire. Les populations, musulmanes en grande majorité, vivent selon les rites et les coutumes de la religion du Prophète Mouhammad (salutations et bénédictions divines sur lui et les membres de sa famille).​

 

De toutes leurs coutumes et traditions religieuses, celle du souvenir de l'Âchoura occupe sans doute une place privilégiée dans les pratiques les mieux établies. Depuis plus de treize siècles, Âchoura est ainsi un évènement heureux dont la célébration est sensée apporter du bonheur et des bénédictions dans les familles. On s'y prépare donc avec fébrilité dès le début de ​ Moharram, premier mois du calendrier musulman depuis 622, date à partir de laquelle, sur ordre d'Allah, Seigneur des mondes, le Prophète Mouhammad (salutations et bénédictions divines sur lui et les membres de sa famille) a émigré de la Mecque vers Médine.

 

Car, au Mali comme dans nombre de pays musulmans, l'imaginaire populaire considère le jour de l'Âchoura, dixième jour du mois de Moharram, comme le jour de l'an, c'est-à-dire le premier jour de l'année nouvelle. Un tel jour est donc propice pour se congratuler, formuler des bénédictions en faveur des uns et des autres, prier Allah pour la réussite, le succès, le bonheur, la santé, etc. Ceux qui ont été en conflit durant l'année passée se réconcilient ; les cousines viennent balayer les maisons des cousins qui leur offrent alors des cadeaux de fête. Tel jeune homme qui peine à trouver une épouse vient, le jour de l'Âchoura, voir son oncle maternel et lui demande, au nom du lien sacré du sang qui l'unit à sa mère, de lui donner sa fille en mariage; et la cousine visée, en raison justement de la baraka liée au jour de l'Âchoura, accepte volontiers la demande de mariage.

Bref, aussi paradoxal que cela puisse paraître, personne ne s'est jamais posé la question de savoir comment le dixième jour du mois de Moharram en est arrivé à être considéré comme le premier jour de la nouvelle année musulmane!!! C'était ainsi depuis des siècles. Mais, dans la foulée de la Révolution islamique conduite à la victoire en février 1979 par l'Ayatollah Khomeiny en Iran, de «nouveaux musulmans », qu'on a appelés chiites, ont fait leur apparition au Mali. Très minoritaires, ils ont commencé à tenter de bouleverser certaines croyances, dont celles liées à ACHOÛRA qui est, pour eux, plutôt une commémoration et non une célébration, parce que "c'est un jour triste qui marque l'anniversaire de l'assassinat de Hussein Ibn Ali, petit-fils du Prophète Mouhammad (salutations et bénédictions divines sur lui et les membres de sa famille). Ils ont beau s'époumoner à expliquer le bon sens de leur thèse durant une vingtaine d'années, peu de gens ont accepté totalement le bien fondé de leurs argumentaires pourtant bien fournis.

Et nous voilà au mois de Moharram, en janvier 2009. Pour commémorer l'Âchoura ​ avec une certaine solennité, le Centre culturel iranien de Bamako a choisi de décaler de quelques jours l'organisation de l'évènement, en choisissant la matinée du dimanche 11 janvier, jour férié, afin qu'un grand nombre de fidèles puissent y participer dans la grande salle du Centre International des Conférences de Bamako (C.I.C.B.). C'est là que le public entendra pour la première fois de nouvelles explications sur le sens véritable de l'Âchoura développé par le journaliste Amadou Diallo invité à faire sur le sujet une communication en langue française.

Il faut noter que Monsieur Amadou Diallo était déjà connu pour son adhésion totale aux croyances chiites, mais aussi pour sa vaste érudition et ses capacités de recherche. Pourtant, lorsqu'il prend la parole, beaucoup se demandaient quelle lumière il pouvait jeter, lui journaliste sans aucune formation théologique, sur la question désormais controversée de l'Âchoura (jour de fête ou jour de deuil?). Il surprendra le public avec une argumentation intelligente en puisant dans la littérature africaine et française des références évidentes. Il cite, tour à tour, de célèbres écrivains comme Amadou Hampâté Bah (Mali), Alexandre Dumas (France), entre autres. Il puise même dans le Mouvement parnassien, haut moment de la poésie française, des poèmes dont on ne connaissait même pas l'existence...

Ce n'est pas tout. Le public sera médusé en apprenant de sa bouche que l'Âchoura a été même, en quelque sorte, une sève nourricière à la très célèbre Révolution française de 1789 : par Lazard Carnot qui, inspiré par la haute personnalité et la bravoure de l'Imam Hussein (as) qu'il a découvertes à travers l'œuvre de Sadi, le célèbre poète persan, fit vœu d'être toujours du côté de la justice et s'engagea donc résolument dans le camp de ceux qui ont déclenché le processus ayant abouti à la Révolution française, en les soutenant par ses écrits et ses harangues. Par un de ces effets des secrets que recèle la personnalité de l'Imam Hussein (as), Sadi Carnot, le petit-fils de Lazard Carnot, deviendra plus tard, presque quasiment un siècle après le triomphe de la Révolution française, un président de la République ​ particulièrement aimé et adulé par les Français qui l'éliront à la magistrature suprême avec une écrasante majorité en 1887. Effet mystérieux husseinite encore? Le Président Sadi Carnot connaîtra en 1894 une tragique fin qui rappelle à bien des égards le martyre de l'Imam Hussein (as).

Rappelons encore que nous étions en janvier 2009. Barack Obama, de père africain (un Kényan) avait été élu Président des États-Unis d'Amérique et se préparait à prêter serment, dans neuf petits jours, ​ lui, premier homme noir à avoir accédé à la magistrature suprême du pays de l'Oncle Sam. Barack Obama avait alors publié un communiqué pour indiquer qu'il prêtera serment sous son identité complète, conformément à la loi américaine. C'est donc Monsieur Barack Hussein Obama qui va prêter serment comme 44ème Président des États-Unis d'Amérique !

Là, Amadou Diallo va expliquer au public que Barack Hussein est tout simplement en swahili, langue maternelle du père kényan du président élu, la déformation de la formulation arabe "Barakatoul Hussein", c'est-à-dire, littéralement, la «baraka de l'Imam Hussein» (as). Et il fait une petite digression qui ne figure pas dans son texte pour expliquer que, malgré que Barack Obama a renié l'islam, la baraka liée au nom du petit-fils du Prophète Mouhammad " envoyé comme miséricorde aux mondes" vient de produire un effet sur lequel il faut méditer.​ Enfin, concernant l'Âchoura, Diallo pose une ultime question, essentielle, qui a beaucoup nourri la réflexion du public. C'est celle-ci : "Si, selon les enseignements des sunnites, l'année nouvelle débute le jour de l'Âchoura, c'est-à-dire exactement le dixième jour de Moharram, à quelle année appartiendraient alors les neufs premiers jours de ce mois ? À l'année qui vient de s'achever ou à celle qui commencerait le 10 de l'année qui vient de commencer ?"

Question pertinente qui reste encore sans réponse. Question qui valide largement l'Âchoura comme étant le jour de la commémoration du martyre de l'Imam Hussein (as). Qu'Allah bénisse Amadou Diallo!

Par K.S

ÂCHOURA : UNE GRÂCE POUR L'HUMANITÉ

Par Amadou Diallo​

 

Mesdames et Messieurs,​

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Pureté et louanges infinies à Allah, le Seigneur des mondes ! ​ ​ Prions-Le pour qu’il déverse sa miséricorde intarissable, son salut et sa paix sur le Prophète Mouhammad, le dernier des prophètes, après qui il n’y aura point de prophète, ainsi que sur les membres purifiés de sa sainte Famille, et sur tous ceux qui l’ont suivi et ceux qui le suivront dans l’obéissance absolue et dans la dignité jusqu’à la fin des temps.

Rendons grâce à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, en quelque lieu que ce soit, en tous les temps, ont travaillé, travaillent ou ​ travailleront à faire apparaître la vérité d’Allah pour faire triompher l’Islam authentique qui nous mènera à Allah parce que justement agréé par Lui.

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Lorsque le Centre culturel islamique d’Iran de Bamako m’a fait l’honneur de me demander, en tant que journaliste capable de quelques recherches, de préparer en français un exposé sur le sens de la célébration ​ du jour de l’Achoura, j’ai accepté la demande avec beaucoup de bonheur et je me suis mis à la tâche avec beaucoup d’enthousiasme. N’étant pas théologien de formation, je voudrais, dès à présent, solliciter votre indulgence. Car ma communication ne sera pas à la manière des théologiens, elle ne sera pas non plus celle d’un jurisconsulte. Mais je m’efforcerai de vous la rendre avec toute l’honnêteté dont je suis capable.​

Mon propos pourra donc paraître brutal en quelques endroits, peut-être choquant en d’autres. Ce serait simplement l’expression d’une honnêteté intellectuelle. Un journaliste, par nature et par conscience professionnelle, n’est, en effet, pas prisonnier des conformismes et des convenances de chapelle ; il n’est pas non plus obligé de ménager les querelles de clocher.​

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Permettez-moi, à cet instant, de vous faire part d’une évidence qui me choque et qui, je le crois profondément, choque tous ceux qui sont un tant soit peu soucieux de l’état lamentable dans lequel se trouve aujourd’hui l’islam dans le monde, face aux attaques de plus en plus perfides, cruelles et blasphématoires des adversaires de la religion de Mouhammad. Je constate avec beaucoup d’amertume, en effet, qu’au moment où les musulmans, avec le plus haut niveau de formation, sacrifient beaucoup de temps au dialogue islamo-chrétien, ils sont incapables, entre eux adeptes du Coran, de tenir le moindre dialogue à même de dissiper des malentendus qui n’ont pas de raison d’être entre eux. C’est triste, c’est affligeant.​

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Je ne demanderai pas votre autorisation pour abuser ​ de votre temps. Vous êtes un beau peuple parce que vous êtes un peuple patient. Et j’ai plaisir à rester longtemps en face de vous. Permettez-moi donc une digression. Dans la sourate 33, verset 33, Allah l’Omniscient proclame : « …Dieu ne veut autre chose, en vérité, que faire partir de vous la souillure, gens de la Maison, et vous purifier de purification ». En demandant aux théologiens musulmans de tous bords ​ qui sont ces gens que Dieu veut purifier de toute souillure, ils sont unanimes à répondre qu’il s’agit de certaines personnes distinguées de ​ la Demeure prophétique. Tous sont bien unanimes à dire, en effet, qu’il s’agit bien de certaines personnes distinguées, ce qui est conforme à la tradition de Dieu dans la révélation de Son message, depuis notre ancêtre Adam jusqu’à Mohammad. Dieu proclame : « Cependant, jamais, tu ne trouveras de changement dans la conduite de Dieu » (Sourate 48, verset 23). D’où le verset 24 de la sourate 2 explicitant au Prophète Ibrahim la conduite (ou tradition) immuable d’Allah : « Et Ibrahim ! … quand son Seigneur l’eut éprouvé par certaines paroles et qu’il les ​ eut accomplies, le Seigneur dit : "Oui, Je vais faire de toi un dirigeant (Imam) pour les gens." - " Et de ma descendance ? " demanda-t-il. – "Mon pacte, dit Dieu, ne touche pas les prévaricateurs" ».

Nous voyons bien donc que Dieu purifie certaines personnes, dans les Maisons des prophètes, à l’exclusion d’autres membres des mêmes familles. Dans tous les cas, si Allah dit qu’Il va purifier de toute souillure certaines gens de la Maison du Prophète Mouhammad, c’est que ces personnes distinguées doivent avoir bien existé. Or, une des conduites (traditions) de Dieu, depuis notre ancêtre Adam jusqu’à Mouhammad, c’est de faire succéder chaque prophète par douze membres de sa descendance ​ (l’on comprendra peut-être mieux en disant de sa famille ou de sa lignée). Cette tradition divine a été si bien respectée – car « …" jamais, tu ne trouveras de changement dans la conduite de Dieu " », proclamation d’Allah – que même Jésus Christ qui ne s’est point marié, a fortiori d’avoir des enfants, a eu douze Apôtres comme successeurs pour porter à travers le temps le message de l’Eglise. ​ Cela nous dispense des polémiques quant au nombre de successeurs authentiques de chaque Prophète. Les successeurs purifiés des Prophètes sont certainement ces Gens que Satan (Chaytône) se dit incapable d’induire dans l’erreur, voire d’égarer. En effet, Allah dans sa mansuétude suprême, nous signale dans le Coran (Sourate 38 – Çôd, versets 70 à 83), certainement en guise d’avertissement, l’épisode suivant dans la création du premier homme, Adam :​

« 70- ​ il m’est seulement révélé que je suis un avertisseur clair, rien d’autre, -​

71- quand ton Seigneur dit aux anges : Oui, Je vais créer d’argile un être humain.

72- Quand, donc, Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de Mon esprit, ​ alors jetez-vous devant lui, prosternés.

73- Les anges, donc, tous ensembles se prosternèrent.

74- Sauf Satan, qui s’enfla d’orgueil et fut du nombre de mécréants.

75- Alors, Dieu :  Ô Satan, qui t’a empêché de te ​ prosterner devant ce que J’ai créé de Mes deux mains ?​

T’enfles-tu d’orgueil ? Ou veux-tu être du nombre des hautains ?

76 – Je suis meilleur que lui, dit Satan : Tu m’as créé de feu, et Tu l’as créé d’argile.

77 –  Eh bien, sors d’ici, dit Dieu, car te voilà banni, en vérité ;​

78 oui, et sur toi Ma malédiction jusqu’au jour de la Rétribution !

79 – Seigneur, dit Satan, donne-moi donc un délai jusqu’au jour où ils seront ressuscités.

80 – Eh bien oui dit Dieu tu es de ceux à qui délai est accordé​

81 - jusqu’au jour de l’Instant Connu.

82 –  Par Ta puissance ! dit Satan. Alors très certainement, je les ferai errer, tous,

83 ​ - sauf, parmi eux, tes esclaves choisis ».

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Cette révélation divine nous oblige à croire qu’il y a bien des gens choisis, purifiés de toute souillure par la volonté d’Allah Lui-même, non sujets à l’erreur, incapables de commettre le moindre péché, députés à l’humanité pour être des guides (Imams). Satan lui-même reconnaît n’avoir aucune emprise sur eux. Nous appartient-il, à nous, de nier leur existence, l’évidence de ce que Dieu a voulu dans son Omniscience ? Les Gens choisis, par la volonté de Dieu Lui-même ont existé et existeront toujours jusqu’à la fin des temps. Trêve donc de polémiques.

Mais qui sont donc les Membres purifiés de la Famille du Prophète Mouhammad ? Ces personnes distinguées qui sont potentiellement ses successeurs ? ​ Les sources les plus anciennes et les plus récentes d’ailleurs, mentionnent les douze Khalifes issus de la descendance de Mouhammad. Chez nous, l’écrivain Amadou Hampâté Ba, qui est aussi un grand Cheick de la Tariqa Tidjaniya, les signale dans son ouvrage Vie ​ et enseignement de Thierno Bocar, le sage de Bandiagara à la page 242 en note 2 en bas de page : « Ali Ibn Talib, jeune cousin du Prophète, se tint constamment à ses côtés depuis son plus jeune âge et fut l’un de ses meilleurs soutiens. Il épousa sa fille Fatima. De leur union naquirent Hassan et Hussein, qui furent les deux premiers de la lignée des " onze Imams " (douze avec Ali), hautes et nobles figures spirituelles de l’Islam, particulièrement vénérées par les Chi’ites ». Amadou Hampâté Ba, qui est aussi un grand maître dans l’arithmologie islamique (la science des nombres en Islam), note que « … le nombre douze… symbolise, lui, l’action dans le monde et le sacrifice ». Vous ​ qui avez été à l’école occidentale, rappelez-vous que Pythagore (VIème siècle avant JC) disait déjà que «… les nombres gouvernent le monde ». De ce point de vue, il est heureux de savoir que toute la vie des douze Imams de la descendance de Mouhammad a été faite d’action au service d’Allah, allant jusqu’au sacrifice suprême. Le martyre de l’Imam Houssayn en constitue le summum. ​

Mentionnons rapidement, dans l’ordre, les douze Imams issus de la descendance de Mouhammad : Ali Ibn Tôlib, Hassan Ibn Ali, Houssayn Ibn Ali, Ali Ibn Houssayn, Mouhammad Ibn Ali, Dja’afar Ibn Mouhammad, Moûssâ Ibn Dja’afar, Ali Ibn Moûssâ, Mouhammad Ibn Ali, Ali Ibn Mouhammad, Hassan Ibn Ali et Mouhammad Al Mahdi Ibn Hassan. Tous ont historiquement existé et chacun d’eux a été en son temps le meilleur des hommes tant dans la piété que dans la connaissance. Les ignorer relève certainement d’une méprise injustifiable.​

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Ceci m’amène maintenant à aborder la question de l’Âchoura. Qu’est-ce que Âchoura ? La commémoration du jour de l’Âchoura est l’une des questions les plus controversées dans la pratique de l’Islam chez nous et dans le monde. Tous les musulmans du monde sont d’accord que c’est une journée particulière, mais ils divergent dans la façon de la marquer. Le problème se situe à un seul niveau : Âchoura : "Jour de fête ou Jour de deuil?"

Les chiites sont unanimes à clamer que c’est plutôt un jour de deuil, le jour où une immense tristesse s’est abattue sur la famille du Prophète en raison de l’assassinat de l’Imam Houssayn, petit fils de Mouhammad, deuxième fils de Ali Ibn Tôlib et Fâtimataz-Zahra, frère cadet de l’Imam  Al-Hassan. Les sunnites avancent, quant à eux, divers arguments pour dire qu’Âchoura est un jour de fête et ils le célèbrent différemment, selon les pays et les milieux, certains par le jeûne, d’autres par des actions mâtinées de bringue et de ribote, souvent comme s’il y avait un ‘’Allah’’ fêtard admirant leurs scènes de liesse.​

Âchoura, c’est le dixième jour du mois de Mohharam, premier mois dans le calendrier lunaire (c’est tout comme si l’on désignait le 10 janvier dans le calendrier ​ grégorien). C’est ce jour que l’Imam Houssayn a trouvé le martyr dans le désert de Karbala, sous un soleil de plomb, par les sabres et les lances perfides et ignobles des bandes de nervis ​ obéissant aux ordres de Yazid. L’Imam Houssayn fut assassiné ​ par des coups portés sur sa nuque, son corps a été mutilé (tête, bras et jambes coupés, poitrines déchiquetée, etc.). Son noble corps a même été soumis aux piétinements indécents des chevaux des adversaires sans foi. La petite troupe de l’Imam Houssayn ne dépassait guère les trois cents personnes, face à une déferlante humaine de 30 000 chiens de guerre assoiffés du sang des nobles descendants du Prophète Mouhammad. La bataille a été cruelle, inhumaine, car l’ennemi était sans dignité. L’Imam Houssayn ​ succombera, à 57 ans, après le massacre de 72 de ses compagnons, dont des membres de sa famille. C’était en l’an 61 de l’Hégire. ​ Les survivants de la tragédie de Karbala ont été capturés, enchaînés comme de vulgaires esclaves et conduits tels jusqu’à Damas, devant l’ignoble Yazid. La tragédie de Karbala a été retenue par l’histoire. Nos ancêtres à nous, les Maliens, n’ont eu, depuis, d’autres appellations pour nommer le mois de Mohharam que la proposition « Djon minè kalo », c’est-à-dire le mois où « les esclaves ont été capturés ». Qui sont les esclaves qui ont été capturés ? Ce sont uniquement les membres de la Famille du prophète et ceux qui les ont défendus. Au point que le grand écrivain musulman, Ibn Kathir, qui n’est pas du tout un chiite, a pu écrire : « Les ennemis de Ahlul Bayt (la famille du Prophète) parmi les habitants de Syrie se sont habitués, après le massacre de Karbala, à fêter le jour d’Âchoura. Ils se préparaient et préparaient d’immenses choses destinées à la fête ; ils se montraient joyeux par animosité envers les partisans de la famille du Prophète… ». Pour toutes ces raisons, Âchoura ne peut nullement être pour les chiites un moment de réjouissance, ne serait-ce que pendant une seconde.​

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Jamais musulman ne fut atrocement assassiné comme l’Imam Houssayn le fut. Pour vous en donner une idée, imaginez un peu les sbires du Maréchal Mobutu Sésé Séko en train de déchiqueter l’opposant Pierre Mulélé. Imaginez Prince Johnson, tout en buvant tranquillement sa bière, en train de faire couper les oreilles, les doigts, les pieds et le sexe du président Samuel Doe pour ensuite traîner son corps dans les rues de Monrovia et le livrer au regard de qui veut. Ce fut le cas de l’Imam Houssayn, et pire encore. Pourtant, aucun contemporain de l’Imam Houssayn n’ignorait que le Prophète a dit : « Al-Houssayn fait partie de moi et je fais partie d’Al-Houssayn. Ô Allah ! Aime celui qui aura aimé Al-Houssayn ». Ceux qui l’ont assassiné savaient tous que le Messager de Dieu a plusieurs fois répété : « Celui qui aime Al-Houssayn m’aura aimé, et celui qui le déteste m’aura détesté ». Aucun d’eux n’ignorait non plus que notre cher Prophète a lancé cette mise en garde : « Je serai en paix avec quiconque aura été en paix avec Al-Houssayn, et en guerre contre quiconque aura été en guerre contre lui ». C’est donc en toute connaissance de cause que les assassins d’Al-Houssayn ont perpétré leur crime odieux. Rien que pour l’amour de ce bas monde, du pouvoir, du luxe, du libertinage, de la licence, de la débauche. C’est là que nous comprenons tout le sens des propos de l’Imam Al-Houssayn qui a tenu à déclarer : « Je ne me suis pas soulevé de gaîté de cœur, ni pour une quelconque insatisfaction personnelle, ni par subversion, ni injustement. Je me suis soulevé pour reformer la Oumma de mon grand-père, le Messager de Dieu, pour commander le bien et interdire le mal, et pour suivre les traces de mon grand-père et de mon père… ».​

Nous voyons donc qu’il a voulu consciemment le martyre pour sauver de la perdition le Message transmis par son grand-père. En effet, s’il ne s’était pas soulevé, les générations actuelles et futures de musulmans n’auraient sans doute jamais su qu’il y a une voie originelle, pure, sanctifiante, sainte et sublime : la voie voulue par Dieu et enseignée par son Prophète dont les descendants demeurent les dépositaires jusqu’à la fin des temps. C’est en cela que le martyre de l’Imam Al-Houssayn intervenu le jour de l’Âchoura est une grâce pour l’humanité.​

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Qui est l’Imam Houssayn ? L’Imam Houssayn est issu de la plus illustre famille arabe, les Banou Hashim. Il est le petit-fils de l’homme le plus aimé de Dieu, Mouhammad, et de la grande Khadidja Al-Koubra. Il est le deuxième fils d’Ali Ibn Tôlib et de Fâtimata Zahra, fille unique restée après Mouhammad. Il est un homme pieux, un docteur aussi bien pour les sciences extérieures que pour les sciences intérieures. En un mot, il fait partie des « Gens choisis » et purifiés par Allah.​

Qui est Yazîd qui a fait assassiner l’Imam Houssayn, pour réduire ensuite en esclavage les membres de la Famille du Prophète ? Yazîd est le fils de ​ Mouawiya, fils d’Abou Soufyane (le même Abou Soufyane qui a refusé l’Islam jusqu’à l’ouverture de la Mecque) et de Hind qui a fait assassiner Hamza, l’oncle du prophète Mouhammad, au cours de la bataille de Ouhoud. Hind, la mère de Mouawiya, s’était alors si acharnée sur le corps de Hamza qu’elle a fait arracher son cœur pour lui infliger d’horribles coups de dents. Mouawiya, le père de Yazîd (rappelez-vous), a d’abord mené contre Ali ibn Talib (le père de Houssayn) la guerre la plus cruelle, et a ensuite fait assassiner par empoisonnement l’Imam Hassan, le frère aîné de Houssayn. ​ Nul n’est besoin de vous dire que nous avons là l’histoire de la famille la plus exécrable poursuivant de sa vindicte la famille la plus noble. Mais encore un mot sur cette femme appelée Hind. Le grand historien Tabari dit dans ses chroniques (Chroniques de Tabari. Edition originale qu’on peut consulter à la Bibliothèque nationale de Paris, à Istanbul, à Damas, etc.) que, pendant la Jahiliya (Période antéislamique), Hind consommait le péché de chaire avec Oumar Ibn Khattâb , deuxième Calife de l’islam: nous dirons aujourd’hui que Hind a été ‘’la petite copine de Oumar Ibn Khattâb’’.

Tels sont des points sombres de l’histoire musulmane que certains se sont efforcés à dissimuler à travers les siècles. Mais l’histoire est impitoyable. Oui, elle est impitoyable parce qu’elle nous oblige à descendre dans les tréfonds du temps pour aller chercher des vérités enfouies dans lesquelles vérités réside notre salut. Etablir la vérité sur l’Achoura nous ​ oblige et nous devons y satisfaire. L’histoire nous apprend que les Juifs ont tué tous leurs prophètes. La même histoire nous enseigne que les Musulmans aussi ont tué tous les Imams de la descendance purifiée de leur Prophète. En effet, depuis Ali, ceux-ci ont tous souffert le martyre. Là, il y a de grands enseignements et chacun est appelé à en tirer les meilleurs profits. ​C’est la vérité qu’Allah agrée, pas le mensonge enjolivé durant des siècles.

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Je suis heureux de constater que les musulmans n’ont pas voulu perpétuer le nom de Yazîd dans le temps à cause justement du massacre inimaginable, inouï et inhumain qu’il a commandité sur les personnes de l’Imam Houssayn, les membres de sa famille et ses compagnons. Je suis heureux de savoir qu’il y a dans cette salle beaucoup de prénommés Houssayn, mais point de Yazid. Dieu soit loué. A ce niveau, ​ le Cheick Amadou Hampâté Ba signale que les habitants de Hawd, à la frontière entre le Sénégal, le Mali et la Mauritanie, chaque fois qu’ils sont importunés par quelqu’un et qu’ils veulent l’injurier, lui lancent : « Celui-là est maudit comme Yazîd » ou « Que la malédiction qui frappe Yazîd soit sur toi », ou «Maudit comme Yazîd ! ». D’où les Africains tiennent-ils ces expressions prenant le nom de Yazîd comme symbole de la malédiction suprême ?, a demandé l’islamologue malien, Cheick Habib Kane.​

Maintenant, quels sont les arguments des sunnites pour fêter ​ le jour de ​ l’Âchoura comme étant celui d’une fête ? La question, me semble-t-il, est mal posée. Il serait juste de demander pourquoi les chiites n’admettent pas les arguments de leurs frères sunnites. A l’analyse, le problème réside dans les contrevérités qui enveloppent, souvent très savamment, les raisons pour lesquelles on fait du jour de l’Âchoura un jour de fête. Le temps nous manque certainement pour débroussailler toute la question. Mais prenons quand même quelques exemples.

L’une des explications avancées est que le jour de l’Âchoura, c’est-à-dire le 10 Mohharam, est le jour de l’an ; autrement dit, le premier jour de la nouvelle année lunaire comme l’est le 1er janvier de l’année grégorienne. J’ai moi-même demandé à nombre de théologiens musulmans de tous bords : si le 10 Mohharam est le départ du nouvel an, à quelle année donc appartiendraient les neuf premiers jours de Mohharam ? A l’année qui vient de s’écouler ou à l’année qui commencerait alors le 10 ? A présent, je n’ai pas reçu la moindre réponse. C’est vous dire tout simplement que l’intelligence humaine la plus obtuse ne peut accepter cet argument-là.

Il est aussi avancé que le jour de l’Âchoura est un jour de bénédictions parce que Dieu l’aurait choisi pour pardonner à notre père Adam. Or, tout le monde est unanime à dire que Dieu a pardonné à Adam à Arafat. Ce qui fait que la station à Arafat fait partie des rites du pèlerinage musulman. Cela se passe le 9 du mois de Zoul-Hidja et non le 10 Mohharam. Aussi, le sacrifice des moutons le jour de la Tabaski, en souvenir du Prophète Ibrahim qui devrait sacrifier son fils Ismaël que Dieu a accepté d’affranchir par l’égorgement d’un mouton, ​ fait partie des rites du pèlerinage. ​ Là aussi, cela se passe le 10 du mois de Zoul-Hidja et non le 10 Mohharam. Dans le chapitre des grands faits historiques et des ​ miracles attribués aux prophètes et que l’on situe dans le jour de l’Âchoura, quel que soit celui que l’on prendra, il ne résistera pas à l’analyse logique et historique pour faire de Âchoura un moment de réjouissances. Mais le temps presse et le chemin de la recherche est ouvert pour chacun.​

Côté hadiths, on en trouve dans Sahih Boukhari, la grande référence sunnite, une vingtaine qui disent explicitement que le jeûne du jour de l’Âchoura est une pratique de la Jahiliya à laquelle s’adonnaient les Koreïchites. Le même Boukhari avance des hadiths qui prétendent que le jeûne du jour de l’Âchoura n’a pas été recommandé par le Prophète Mouhammad après la prescription du mois de Ramadan. L’autre référence sunnite, le Sahih de Muslim, atteste le caractère facultatif du jeûne du jour de l’Âchoura d’après des hadiths attribués à la mère des croyants, Aïcha. Mais ces hadiths aussi ne résistent ni à l’analyse logique, ni à la chronologie historique.​

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Il y a un argument très grave, qui m’a particulièrement révolté, prétendant que le Prophète Mouhammad a incidemment appris le jeûne du jour de l’Âchoura par les Juifs de Médine. Dieu merci, l’humanité a aujourd’hui fait de très grands progrès dans la maîtrise des connaissances dans plusieurs domaines grâce à l’essor continu des sciences. Nous disposons aujourd’hui d’instruments à même de nous permettre de savoir quel jour de quelle année chrétienne ou juive a coïncidé avec tel jour de telle année musulmane. Par cette bénédiction, nous savons aujourd’hui avec certitude que le ​ Mohharam où l’on prétend que le Prophète Mouhammad a été instruit par les Juifs du jeûne du jour de l’Âchoura, eh bien, ce 10 Mohharam-là chevauche plutôt, dans le calendrier hébreu, les 11 et 12 du mois que les Juifs appellent Ave. Inutile de vous dire que Mohharam est totalement inconnu chez les Juifs. En plus, les Juifs jeûnent plutôt la journée qu’ils appellent Yom Kippour (la plus importante fête de leur calendrier) qui, Dieu merci, dans l’histoire de la correspondance des mois solaires et lunaires, depuis la nuit des temps, en tout cas jusqu’à ce jour, 11 décembre 2009, n’a jamais coïncidé avec le 10 du mois de Mohharam musulman. Dans l’étourderie, on défend benoîtement que les Juifs jeûnent Âchoura parce que c’est ce jour que le Prophète Moûssâ (Moïse) est sorti d'Égypte avec son peuple, conduisant même le Pharaon à sa perte. Rien n’est plus faux. Le Prophète Moïse est sorti d'Égypte à la Pâques qui n’est pas un jour de jeûne pour les Juifs. Bref, le chapelet des arguties est long à égrainer.​

Franchement, s’il n’y a pas d’autres arguments que ceux ressassés avec une ineptie extraordinaire depuis des siècles, il convient d’arrêter de tromper les croyants, en replaçant Âchoura dans son contexte réel et en lui donnant toute sa dimension et toute sa valeur religieuse. Thierno Bocar, le père spirituel d’Amadou Hampâté Ba, a dit : « Laisse de côté celui qui triche avec la foi. Au terme du voyage des âmes, il rencontrera une désagréable surprise ».Je ne souhaite cela à personne​

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Revenons à la tragédie de Karbala. Ne le savait-on pas chez nous, ici ​ au Mali, et dans le monde ? Difficile de l’affirmer. Car, si on se réfère aux écrits du Cheikh Ahmed Baba de Tombouctou, en l’an 60 de l’Hégire, le Soudan (actuel Mali) comptait douze mosquées. Or, les massacres de Karbala ont eu lieu en l’an 61 de l’Hégire. Amadou Hampâté Ba note ceci de son côté : « Les musulmans d’Afrique sont tous des chiites partisans de la famille du Prophète, même s’ils n’en sont pas conscients… ».

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

Du côté du monde non musulman, des preuves que le jour de l’Âchoura est un jour de deuil abondent. Le Mahatma Gandhi, le grand leader indien, a avoué : « Moi, j’ai puisé l’esprit de ma révolte dans le soulèvement de l’Imam Houssayn à Âchoura et Karbala ». Il y a un fait très intéressant qui nous vient de la France. La patrie dit des droits de l’homme et de la liberté a, en effet, eu un président de la République dont le prénom est oriental, Monsieur Sadi Carnot. Peu de Français savent aujourd’hui pourquoi le célèbre homme a été ainsi prénommé. Il avait tout simplement un aïeul, Lazard Carnot, qui a eu connaissance de la tragédie de Karbala grâce au poète persan Sadi. Le refus de l’Imam Houssayn d’accepter ou de cautionner les arbitraires l’a fortement marqué. Il a alors fait vœu d’être toujours du côté de la justice. C’est alors qu’il rallia ceux qui ont déclenché la Révolution française de 1789 qu’il soutint par ses écrits et son indignation contre les privilèges de la noblesse. En 1791, il fut élu à la Législative, puis à la Constituante. Toujours fidèle à la sympathie qu’il ressentait pour Sadi, le poète persan, Lazard Carnot appela son premier fils Sadi. Mais cet enfant mourut en bas âge. Carnot appela donc son deuxième fils du même nom, toujours pour remercier Sadi, le poète persan, pour lui avoir permis de découvrir la haute personnalité de l’Imam Houssayn. Ce fils-là devint un polytechnicien renommé, mais lui aussi mourut de choléra en 1832. Alors, le frère cadet de ce dernier, Hippolyte Carnot, pour répondre au désir de leur père disparu et en souvenir de son frère aîné qu’il aimait tant, décide d’appeler son propre fils Sadi. Ce troisième Sadi, né à Limoges en 1837, fit de brillantes études d’ingénieur à l’Ecole polytechnique de Paris. Élu député républicain de la Côte-d’Or en 1871, il fut ministre des Travaux publics ​ en 1879, et ministre des finances en 1885. Les efforts qu’il déploya pour redresser l’économie de la France lui valurent, en 1887, son élection à la présidence de la République avec une écrasante majorité.

Mes chers frères et sœurs en Dieu,

Permettez-moi ici un parallèle qui, me semble-t-il, porte un signe profond. Houssayn, dont l’amour est porté par les musulmans à travers le monde, est mort à 57 ans, assassiné par les sanguinaires de l’ignoble Yazîd. Son nom est aujourd’hui perpétué par des millions d’adeptes de la Religion de son grand-père Mouhammad, voire magnifié par autant de non-musulmans partout dans le monde. Sadi Carnot, ce président tant aimé par les Français, a aussi été assassiné en 1894, à 57 ans, par un anarchiste italien. Aujourd’hui, nombre de rues et de boulevards dans les grandes villes de France, dont deux à Paris, portent son nom. ​ Signe de Dieu ? Je l’espère.

​ Faisons une petite incursion chez les hommes de Lettres. Nous retrouvons chez Alexandre Dumas, mort en 1870 et qui fut le plus populaire des écrivains de l’époque romantique (il a signé près de 300 ouvrages), dans son roman ‘’Georges’’, resté inconnu jusqu’en 1974, puis réédité chez Gallimard en 2003, une description qui rappelle la tragédie de Karbala : « … ceux qui portent les sabres et les bâtons commencent à combattre en voltigeant les uns autour des autres, portant et parant les coups avec une adresse merveilleuse ; enfin, les derniers se frappent la poitrine et se roulent à terre avec l’apparence du désespoir, tous criant à la fois ou tour à tour : ‘’Yamsé ! Yamli ! O Hoseïn ! O Ali !... Pendant qu’ils se livrent à cette gymnastique religieuse, quelques-uns d’entre eux s’en vont offrant à tout venant du riz bouilli et des plantes aromatiques. Cette promenade dure jusqu’à minuit … les dévots aux robes déchirées recommencèrent à se frapper la poitrine en poussant des cris de douleur, auxquels toute la masse répondait par les cris alternés de « Yamsé ! Yamli ! O Hoseïn ! O Ali !’’, cris encore plus prolongés et plus déchirants que ces mêmes cris poussés la veille. C’est que le gouhn qu’ils accompagnent cette fois est destiné à représenter à la fois la ville de Kerbela, près de laquelle périt Hoseïn, et le tombeau où furent enfermés ses restes… ». Les cendres d’Alexandre Dumas ont été transférées au Panthéon en 2002. C’est vous dire qu’il ne fut point un piètre écrivain.​ Il est difficile de ne pas penser à Karbala à travers ces lignes citées plus haut qu’il nous a laissées.

​ Un autre mouvement littéraire, l’école parnassienne issue de l’art pour l’art, visant à restaurer l’art dans toute sa pureté, n’a pas non plus ignoré le drame de Karbala. Ainsi, Armand Renaud, poète parnassien mort il y a 114 ans (1895), a eu ses vers que je vous livre :

« Hussaïn​

Après son père, après son frère,

Tous deux martyrs et saints,

Sous le règne de l’arbitraire, fut tué par les assassins.

Les siens étaient soixante-douze.

Derrière un tertre il avait mis​

Ses jeunes enfants, son épouse.

Dix mille étaient les ennemis.

Sous un ciel de feu, rien à boire.

Dix jours, le monde eut ce tableau.​

Les hommes y gagnaient la gloire.​

Les enfants demandaient de l’eau.​

Enfin, haché, méconnaissable,​

Hussaïn à terre roula.

​ Et le sang fut bu par le sable

Dans le désert de Kerbéla.

Aussi, depuis l’aube, les bêtes

Pleurent dans les bois ; et du ciel

Les gouttes tombant sur nos têtes, sont amères comme le sel.

Seul, je ne pleure pas, j’envie

Celui qui pour l’amour d’Allah,​

Vint souffrir et donner sa vie

Dans le désert de Kerbéla. »

Mes chers frères et sœurs dans l’Islam,​

J’ai déjà trop abusé de votre patience, mais je suis certain que vous n’êtes pas lassés de m’entendre. Permettez-moi une petite digression avant de clore mon propos.

Dans neuf petits jours, Barack Obama prêtera serment en tant que 44ème président des Etats-Unis d’Amérique. Il a déjà annoncé qu’il le fera sous son identité complète : Barack Hussein Obama. Il y a quelques temps seulement, j’ai rencontré par hasard un journaliste kényan qui n’arrête pas de fulminer contre Barack Obama pour avoir tu son prénom Hussein lors de la campagne présidentielle américaine. Il me disait : Barack Hussein Obama signifie chez nous, en Swahili, en réalité, Al-barka Hussein. Pourquoi cacher le grand nom de Hussein ?

J’ai demandé à Cheick Adam Sangaré, petit-fils de l’Imam Feu Abdramane Traoré de Lafiabougou, ce qu’il faut entendre par Al-barka Hussein. Voici sa réponse : «En réalité, en bon arabe, il faut prononcer Barakatoul Hussein. Cela signifie en Bambara : Housseiny barka », c’est-à-dire la baraka d’Al-Hussein. » Pour sacrifier à l’air du temps, nous dirons simplement aujourd’hui au Mali : « Husseiny Puissanci ! ». Je sais que dans cette salle, nous ne sommes point à Top Etoiles. Mais, répétez avec moi : « Husseiny Puissanci ! » (la puissance d’Al-Hussein, les bénédictions inhérentes à son nom et à sa personnalité).

L’esprit de l’Imam Houssayn n’est-il pas, en quelque sorte, en train de souffler irrésistiblement sur le monde à travers l’élection de Barack Obama à la tête des Etats-Unis, comme imparables furent sa campagne et son triomphe ? Je l’espère de tout mon cœur qu’il en soit ainsi.​

Pour terminer, je vous prie d’observer une minute de silence à la mémoire de l’Imam Houssayn et de tous les membres de sa famille ainsi que ses compagnons tombés en martyrs à Karbala. Je vous remercie.

 

​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Bamako, le 11 janvier 2009

Amadou Diallo

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